Les collectivités d’Aragon, Espagne 36-39, la revue de presse
N’Autre école, n° 4, automne 2003
La révolution pour de vrai !
La révolution espagnole est sortie de la “clandestinité”
à laquelle le stalinisme l’avait confinée dans le domaine
de la connaissance historique, après l’avoir détruite sur
le terrain. Mais le mur du silence est loin d’être détruit,
et nous avons encore beaucoup besoin à apprendre sur
cet épisode. Le livre de Félix Carrasquer, centré sur
l’Aragon, cette région d’Espagne où la collectivisation
autogérée des terres a touché 300 000 personnes sur
500 000 habitants, est un témoignage mêlé de réflexions
personnelles : la relecture d’une période par un militant
qui fait le lien entre l’événement, dans sa précision, et
les questions actuelles. L’éducation est au premier plan
des ambitions révolutionnaires de F. Carrasquer et de
ses compagnons anarcho-syndicalistes : “Nous autres,
nous projetions une école où les enfants pourraient faire l’expérience de leur autonomie dans le but qu’ils parviennent, par le libre exercice de leur initiative, à la
connaissance des choses et des phénomènes tant physiques que sociaux. Nous avions en effet la conviction
que c’est seulement ainsi que l’on parvient à structurer solidement la faculté d’observation et de critique qui permet à l’individu d’être authentique-
ment libre, surtout si dans la recherche quotidienne on pratique la coopération…”, voilà le programme. Un programme mis en application malgré
des instituteurs peu préparés à ce type de perspective et une situation de
guerre et de contre-révolution intérieure qui assombrit l’horizon. Jusqu’au
bout l’enseignement, la lecture, le théâtre… Une photo (hélas sans référence) où un paysan allongé devant ses ânes est plongé dans un livre renverse notre formule favorite : ici, c’est “révolter pour instruire”.
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- Sur le site Anarlivres
Pour appréhender l’organisation économique libertaire mise en place pendant la révolution espagnole, cet ouvrage est essentiel. Il se situe dans la lignée de « L’Espagne libertaire », de Gaston Leval, et de « L’Autogestion dans l’Espagne révolutionnaire » de Frank Mintz. Son auteur, Félix Carrasquer, fut un acteur et un témoin privilégié de ces « Collectivités d’Aragon ». Dans une région essentiellement agricole, comptant une majorité de petits propriétaires travaillant leur terre, c’est un magnifique exemple de réussite économique, malgré la situation de guerre civile, obtenue grâce à une organisation collectiviste, libre, autogestionnaire, solidaire et fédéraliste. L’auteur ne cache rien des difficultés rencontrées. Elles deviennent des éléments constitutifs d’une éducation collective qui renforce le dynamisme révolutionnaire. Emancipation économique, mais aussi sociale, pour les hommes, les femmes, les enfants, les vieux… Mais les ennemis sont nombreux : fascistes et partisans de l’ordre ancien, politiciens socialistes, communistes marxistes effrayés par cette égalité et cette liberté… Tous auront pour objectif de détruire ce ferment révolutionnaire.